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Shipibo m’était conté
Victor Arnaud
Un enfant Shipibo est élevé par ses grands parents au cœur de la forêt amazonienne. En grandissant et en arrivant en ville, il renie sa culture pour éviter les discriminations. Cependant, le chemin de la vie le ramènera vers ses origines.
Parmi les films en compétition, Historias de Shipibos - que l'on pourrait traduire par Itinéraire d'un enfant du peuple Shipibo - constitue l'une des œuvres les plus singulières de cette édition 2025. En préambule de cet article, signalons que le film est passé tout près d'une sélection en compétition fiction lors du festival Ojoloco 2024, et il était difficile pour notre équipe de programmation de laisser passer ce film captivant. Le film suit un membre du peuple Shipibo - vivant dans l'Amazonie péruvienne - à différentes étapes de sa vie, en partant de sa sortie de la communauté jusqu'à son retour, en passant par son exode en milieu urbain lors de l'adolescence.
La caractéristique principale de l'oeuvre réside dans cette dilatation du temps - 1h50 de film, durée somme toute inhabituelle et supérieure au reste des productions latino-américaines - où l'expérience de notre héros Shipibo se confond en permanence avec les éléments environnants, naturels comme urbains, et ce d'une façon poétique, philosophique, voire spirituelle. L'approche est presque documentaire tant la caméra, montrant souvent des plans fixes, donne paradoxalement beaucoup de mouvement et d'amplitude à ses protagonistes, qu'ils jouent les premiers, les seconds rôles ou de la figuration.
Omar Forero nous plonge dans un espace-temps alternatif, et laisse la possibilité aux spectateurs et spectatrices d'avoir plusieurs niveaux de lecture à son œuvre, et de les superposer dans l'ordre qui leur convient. Au lieu de voir une île au milieu d'un lac, nous voyons une forêt, de plus en plus convoitée et négligée par les autorités. Au lieu de voir le destin tout tracé typique des biopic, nous voyons des personnages en mouvement, faisant une multitude de choix. Au lieu de voir un comédien raté faire des arts de rue, nous voyons une touchante histoire d'amitié avec notre héros. A l'instar de l'écrivain Gabriel Garcia Marquez racontant en filigrane les mécanismes concrets d'une république bananière colombienne en plein milieu du récit magique et fantastique que constitue Cent ans de solitude, Omar Forero narre également en toile de fond d'un récit poétique, la destruction des forêts péruviennes par les intérêts privés, et la trajectoire dramatiquement croissante des inégalités économiques et sociales que subissent les Shipibos.
Quand bien même Omar Forero fait le choix d'un récit linéaire, en traitant chronologiquement le triptyque enfance-adolescence et âge adulte, il évite d'imposer son point de vue, en laissant la part belle aux contradictions de son personnage principal: son passage à l'adolescence met en évidence une certaine honte à montrer ses racines shipibos; de même, son retour au bercail et sa volonté de coller à sa famille d'origine est l'exact opposé de sa vision d'enfant et d'adolecscent. En somme, le film d'Omar Forero illustre très bien l'adage "moins c'est plus". En effet, au moyen d'un dispositif très simple, d'une narration chronologique et conventionnelle, d'une photographie soignée, le cinéaste laisse un espace immense aux émotions éprouvées par tous ses personnages, sans faire de remplissage ou de plans de coupe superflus.
La force de ce dispositif simple est rendue possible par un excellent travail d'écriture scénaristique, et surtout une remarquable direction d'acteurs, notamment auprès des enfants et des comédien·nes amateur·rices, dont le mélange avec les acteurs et actrices professionnel·les s'avère des plus crédibles. Sous ses faux airs de biographie linéaire, Historias de Shipibos nous offre une petite épopée qui valait bien la peine d'attendre un an.