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Data Flesh : quand l’IA prend le temps de rêver
Océane A.
Le court-métrage chilien Data Flesh de Felipe Elgueta (2024) donne la parole à la création par intelligence artificielle (IA). Le film prend la forme d’une suite d’images reliées et déformées par une IA pour leur permettre de se succéder. Au-dessus du visuel, une voix-off déclame un poème. Frôlant le body horror, le court-métrage dérange et en laissera plus d’un dans l’incompréhension. Il semble prédire une future servitude de l’humanité par les algorithmes, ou du moins une peur humaine de cette servitude. La voix off susurre : « we will be terrified by the idea that they may rebel against us one day » (nous serons terrifié·es à l’idée qu’elle puissent un jour se rebeller contre nous) et pose ainsi l’idée d’une possible indépendance des algorithmes par rapport aux humains, réduits au statut de « chair » (« flesh »). Et c’est en effet une thématique qui intrigue le cinéma depuis plusieurs décennies maintenant : on pense au film Her de Spike Jones (2013), ou, bien plus précurseur, à 2001 : l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968). Pourtant, contrairement à ces deux œuvres, Data Flesh ne réduit pas l’IA au statut de personnage mais lui offre carrément un poste de réalisateur.
Le rapport IA/humain est en effet une question bien d’actualité ! Politicien·es de tous bords et à travers le monde, entreprises et employé·es (on estime par exemple qu’au Mexique, jusqu'à 19% des emplois seront potentiellement exposés à l’automatisation) : l’IA apparaît comme enjeu principal des prochaines décennies, voire du XXIe siècle. Peur et méfiance, s’il apparaît essentiel pour les institutions de réguler son utilisation, nombre d’entre elles y voient également une opportunité de taille. Au Venezuela, des présentateurs virtuels sont ainsi présentés comme des journalistes indépendants basés aux États-Unis, puis cités par la télévision nationale pour servir la propagande du régime Maduro. Au Chili, ce sont les perspectives économiques qui sont favorisées et le pays s’affirme en tant que pionnier régional de l’IA. Au sein du Sénat chilien, ladite « Comisión futuro » (commission du futur) se penche sur ce sujet, perçu sous l’angle d’une opportunité technologique et scientifique. Dans l’industrie cinématographique, on utilise aussi l’IA pour analyser les scripts de films et prédire leur succès éventuel. On « réduit le temps et les efforts » pour un choix d’angle et de composition d’image optimal. Il s’agit aussi de décrypter la « bancabilité » des acteurs et actrices dans le but d’aider les studios à prendre des décisions en s'étant mieux informés au préalable et ainsi suivre à tout prix les tendances du marché . Une galerie d’art contemporain madrilène explique enfin sur son site que l’IA sera la révolution artistique du XXIe siècle. Et déjà, le marché de l’art monétise les œuvres d’algorithmes (…guidés par un humain… ou plutôt d’un humain aidé de robots ... originellement eux-mêmes programmés par un humain ?! … mais il s’agit là d’un autre débat...). Il apparaît donc que dans les discussions générales, l’IA soit majoritairement perçue que comme vecteur de rentabilité et d’opportunités économiques ou politiques.
En opposition, Data Flesh s’inscrit bien loin de cette perspective et ne recherche pas la rationalité froide qu’on attribue habituellement aux algorithmes. Dans une interview pour le festival d’Annecy (2024), le réalisateur donne sa propre interprétation de l’œuvre. Il explique que le film a été réalisé à partir des images oubliées d’internet qui « ressuscitent » et cherchent à poursuivre leur existence. A partir de celles-ci, l’IA créé de possibles scénarios futurs… et rêve ! Bien loin des perspectives économiques et des possibilités entrepreneuriales que l’IA permettrait, Data Flesh revient en fait à une recherche fondamentale de sens quant à l’utilisation de l’IA dans le processus créatif. Le court-métrage questionne et dérange. Il ne s’agit pas d’utiliser l’IA ni d’en tirer profit, mais plutôt de la laisser rêver, et de l’interroger.