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Critique, Cenizas de leche

Célia Laroche

Après Nunca Seremos Parte, son premier long-métrage réalisé en 2022, Amelia Eloisa revient au format court en 2024 avec un film poignant : Cenizas de Leche. Situé dans le Mexique des années 1890, le court-métrage suit Magdalena (Costanza Andrade) et Maclovia (Stana Carrillo), deux jeunes femmes cherchant comment s’aimer face aux tabous et interdits d’une société profondément religieuse. Découvrant leur sexualité l’une avec l’autre, les amantes se trouvent confrontées à un choix déchirant : s’accepter ou se refouler.


Se traduisant en français par « Cendres de lait », ce deuxième court-métrage tangue entre douceur et chagrin, crainte et audace, répugnance et désirs. Amelia Eloisa, cinéaste mexicaine et lesbienne, reprend des thématiques qui lui tiennent à cœur, en explorant des questions identitaires et la découverte d’une sexualité non-hétéronormée. Pleine d’assurance, la réalisatrice réussit à transmettre avec force et douceur l’intensité du désir entre Magdalena et Maclovia. Dans ce film où les symboles abondent, les noms des personnages ne sont pas choisis au hasard. Une des deux amantes se nomme Maclovia, ce qui pourrait faire référence au film d’Emilio Fernandez, un grand cinéaste mexicain du XXe siècle. Dans Maclovia, réalisé en 1948, la personnage éponyme est, là aussi, confrontée à un amour qui ne reçoit pas l’approbation de son entourage. Le prénom Magdalena, lui, fait référence à une figure religieuse de pécheresse repentie ou de femme mal comprise, associée à Sainte Marie Madeleine.


Cenizas de Leche est, à l’instar de son titre, un film plein de contrastes. La cinéaste nous fait explorer deux univers inhérents, deux versions d’une même réalité pour deux régimes d’images distincts. D’un côté la mise en scène du désir : pleine de mouvement, de lumière et de rire, elle se rattache aux paysages paradisiaques et aux grands espaces, à la nature, à la liberté. De l’autre la mise en scène de la honte : fixe, en sur-cadrage, bien plus terne et austère, elle se rattache au contexte religieux, à une certaine sévérité et froideur inflexible. Peu bavard, le film joue sur le regard avec des yeux qui se croisent, qui se fixent, qui s’esquivent, qui brûlent ou brûlent d’envie. Le détail des corps, des sons, des textures sont au centre d’une mise en scène au service de personnages aussi complexes qu’attachantes. Avec son atmosphère très intime et sensorielle, le film réussit à communiquer la joie et la limpidité du rapport amoureux, tout en y faisant coexister l’anxiété ou la culpabilité religieuse. C’est ce rapport de dualité constant qui fait émerger un sentiment mélancolique. Une mélancolie retranscrite par la lumière naturelle, faisant scintiller les corps, inondant les visages, à la fois symbole d’amour, d’espoir et de résignation.

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